Qui sera responsable devant la loi ?

Article à paraître dans le Magazine NEXUS

novembre-décembre 2009


Pourra-t-on attaquer les laboratoires en cas d’effets secondaires après la vaccination contre le H1N1 ? Ce n’est pas sûr car, depuis 2007, ils sont protégés par un article du Code de la santé publique.

PRYSKA DUCOEURJOLY

En cas de gros pépin après la campagne de vaccination massive organisée par le gouvernement, les éventuelles victimes pourront-elles attaquer les laboratoires ou l’Etat ? Rien n’est moins sûr. Les laboratoires, au même titre que les praticiens de santé, bénéficient d’une immunité grâce à l’article L3110-3. Si quelques média ont parlé de l’immunité des laboratoires aux Etats-Unis, ils ont totalement passé sous silence cette loi française.

« Le fabricant d’un médicament ne peut être tenu pour responsable des dommages résultant de l’utilisation d’un médicament en dehors des indications thérapeutiques ou des conditions normales d’utilisation prévues par son autorisation de mise sur le marché ou son autorisation temporaire d’utilisation, ou bien de celle d’un médicament ne faisant l’objet d’aucune de ces autorisations, lorsque cette utilisation a été recommandée ou exigée par le ministre chargé de la santé en application de l’article L. 3110-1. Il en va de même pour le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché, de l’autorisation temporaire d’utilisation ou de l’autorisation d’importation du médicament en cause. Les dispositions du présent alinéa ne les exonèrent pas de l’engagement de leur responsabilité dans les conditions de droit commun en raison de la fabrication ou de la mise sur le marché du médicament ».

A moins de prouver que les laboratoires ont intentionnellement mis des poisons dans leurs vaccins, ce qui est extrêmement difficile, il s’agit d’une voie juridique sans issue. Il est curieux de noter que les fabricants de médicaments ne possèdent cette protection que depuis la Loi n°2007-248 du 26 février 2007 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament. L’article L3110-3 se limitait alors aux seuls professionnels de santé (premier paragraphe de l’article remanié).Il semble que l’épisode grippe aviaire de 2006 les ait aidé à obtenir cette « avancée ».

Exit donc la responsabilité des médecins et des laboratoires dans le cadre de la campagne de vaccination de masse. Pourra-t-on dès lors se retourner contre l’Etat ? Là encore, rien ne le garantit. « La jurisprudence montre clairement, notamment dans l’affaire du vaccin contre l’hépatite B, que c’est contre les laboratoires que les gens doivent se retourner lorsqu’il ne s’agit pas d’une obligation vaccinale. Une vaccination, même fortement recommandée par les pouvoirs publics, est considérée comme un acte volontaire », précise Jean-Marie Mora, président de la Ligue nationale pour la liberté des vaccinations (LNLV).

Par ailleurs, le fonds d’indemnisation des victimes des vaccinations ne peut être saisi que dans le cas d’une vaccination obligatoire. Celle-ci ne demeure que pour le DTP. Or, le DPT est désormais vendu avec une ou plusieurs souches ajoutées, qui elles ne sont pas obligatoires. Actuellement, en France, il est donc matériellement et juridiquement impossible d’être reconnu comme victime d’un vaccin (sauf pour les personnels médicaux avec le vaccin contre l’hépatite B obligatoire). Dans le cas du vaccin contre la grippe A, plus que tout autre, les laboratoires ont donc de nombreuses années devant eux pour préparer leur défense.

Contacté, le ministère de la Santé n’a pas répondu à notre requête. La question est visiblement embarrassante.

DERNIERE MINUTE (31 octobre 2009)
Le ministère couvre les laboratoires

sur les vaccins anti-H1N1

Par Reuters

PARIS – Le contenu des contrats français d’achats de vaccins contre la grippe

A(H1N1), révélés vendredi par le ministère de la Santé, montre plusieurs clauses

favorables aux laboratoires qui les ont fabriqués.

« Considérant les circonstances exceptionnelles » du marché, deux d’entre eux

seront couverts en cas de poursuites judiciaires à la suite des vaccinations et

aucun fabricant ne payera de pénalité de retard de livraison.

En outre, le prix final des vaccins sera de 712 millions d’euros (et non 808

millions comme l’avait dit la ministre Roselyne Bachelot aux parlementaires) et

l’Etat se réserve la possibilité d’acheter 35% de doses supplémentaires.

Le ministère a accepté de montrer ces contrats à un député socialiste qui

dénonçait la veille un manque de transparence.

Dans la matinée, Gérard Bapt, rapporteur spécial du budget de la Sécurité

sociale, a pu consulter au ministère tous les contrats dans leur intégralité,

après avoir trouvé porte close.

« J’ai eu des réponses à toutes mes questions. Ce que je ne m’explique pas, c’est

que le ministère n’ait pas communiqué plus tôt sur les éléments accessibles »,

a-t-il dit à Reuters.

Ces contrats font selon lui apparaître deux éléments nouveaux.

Le ministère pourra faire passer sa commande de 94 à 130 millions de vaccins. Si

la campagne de vaccination, à partir du 12 novembre, connaît le succès mitigé

prédit par les sondages, la ministre n’aura probablement pas à utiliser ces

clauses.

« L’ÉTAT S’ENGAGE À GARANTIR SEUL… »

Le prix final des vaccins est de 712 millions d’euros seulement car la TVA sur

les produits de santé – applicable lorsque les vaccins reçoivent l’Autorisation

de mise sur le marché (AMM) – n’est que de 5,5%.

Le journal Le Point n’a pour sa part vu que trois des quatre contrats, dont la

Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) a demandé la libre

communication après un refus du ministère.

Sur son site internet (www.lepoint.fr), l’hebdomadaire dénonce « la fausse

transparence » du ministère, qui n’a pas transmis aux journalistes le contrat

passé avec Baxter et a effacé des clauses confidentielles dans les autres.

Les contrats avec Sanofi et Novartis, reproduits par lepoint.fr, font apparaître

que l’Etat assumera seul les conséquences d’éventuelles poursuites judiciaires à

la suite des vaccinations.

« Le titulaire (le laboratoire, ndlr) est, en principe, responsable du fait des

produits défectueux », peut-on lire.

« Toutefois, considérant les circonstances exceptionnelles qui caractérisent

l’objet du présent marché, l’Etat s’engage à garantir le titulaire contre les

conséquences de toute réclamation ou action judiciaire qui pourraient être

élevées à l’encontre de ce dernier dans le cadre des opérations da vaccination

sauf en cas de faute du titulaire » ou si le vaccin ne présente plus les mêmes

caractéristiques que celles décrites dans l’AMM.

Les laboratoires, à qui les gouvernements ont demandé de fabriquer dans

l’urgence ces vaccins contre la grippe A(H1N1), n’auront par ailleurs à payer

aucune pénalité de retard s’ils ne parviennent pas à livrer les vaccins dans les

délais prévus.

C’est déjà le cas de Baxter, qui a connu des contretemps dans l’obtention de son

AMM, alors même que le ministère l’avait contacté car le fabricant américain

devait être le premier à sortir son vaccin, le plus cher de tous (10 euros la

dose).

C’est finalement avec le vaccin de GSK que la vaccination des professionnels a

commencé la semaine dernière.

Le ministère de la Santé n’était pas dans la mesure de commenter le contenu de

ces contrats dans l’immédiat.

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