Aînés confinés, est-ce vraiment les protéger?

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Pas de déconfinement en vue pour les maisons de retraite…

Les personnes âgées dans les maisons de retraite (EHPAD) en France n’ont pas été libérées comme les autres le 11 mai. Les visites restent par ailleurs extrêmement restreintes. Ainsi, dans un courriel envoyé fin avril aux familles de résident, la direction d’une maison de retraite située en Aquitaine, informe des nouvelles modalités de visite :

  • Pas plus de 4 visites dans l’établissement par semaine, réservée aux pensionnaires en état de « glissement ».
  • Mesure de distanciation sociale, pas de contact physique et la mise en place d’un plexiglas si le rendez-vous est à l’intérieur.
  • Maximum 1 seul membre de la famille dans la pièce
  • Maximum 30 minutes, pour laisser la place aux autres visiteurs

Ce protocole suit les directives ministérielles. Pour avoir le droit de visite, il faudra aussi être appelé et que le résident en fasse la demande. On se présentera alors à une heure précise au poste de gel hydroalcoolique pour une désinfection et une prise de température. « 4 visites ont pu avoir lieu cette semaine. A ce rythme, en septembre, les 106 résidents auront enfin eu droit à voir leur famille, au moins une fois. Quant à un second rendez-vous, cela risque d’être difficile à obtenir à nouveau… », témoigne la déléguée des familles. Elle déplore que le Conseil de Vie Sociale n’ait pas été consulté. Il reste toujours impossible de faire passer le moindre bien, comme des vêtements ou des denrées alimentaires. Les personnes en secteur fermé (malades d’Alzheimer) n’ont quant à elles pas droit aux visites. Est-ce parce qu’elles sont dans un autre monde et que cela ne sert à rien? Cruel et inhumain.

Source, le Dauphiné du 24 avril 2020

Privées de sorties et de vie sociale

Pourquoi des personnes âgées sans symptôme ne peuvent toujours pas recouvrer leur liberté et sortir en famille, comme les autres Français et comme les autres aînés non placés en maison de retraite ? Ces mesures sont bien sûr destinées à « protéger » les résidents qui vivent en groupe, afin qu’ils ne se contaminent pas entre eux, surtout qu’ils sont jugés comme des personnes vulnérables (âge, co-morbidité, troubles cognitifs…). Mais on agit comme si les 600.000 résidents des Ehpad de France étaient tous malades, au point de les priver tous de sortie et de vie sociale.

A-t-on bien mesuré l’impact délétère du confinement en terme de mortalité au-delà du bénéfice escompté ?

Le journal Ouest-France a tiré la sonnette d’alarme dans un article qui reflète sans doute la situation vécue dans de nombreuses maisons de retraite. Le titre est évocateur : « Le confinement va durer dans les Ehpad : des résidents menacent de se jeter par la fenêtre ». L’article date du 20 avril en plein confinement. Dans ce reportage d’une maison de retraite du Val de Loire : « Les pensionnaires sont seuls dans leur chambre, aucun atelier collectif, aucune animation. Certains résidents se laissent aller pour ne pas dire se laissent mourir, c’est ce qu’on appelle le syndrome de glissement, d’autres sont victimes de sérieux troubles psychologiques ».

Quelques rares voix s’élèvent

Dans une tribune du Monde, l’ancienne ministre Monique Pelletier s’indignait début avril de la brutalité du confinement, sans mesure de soutien par ailleurs : « Les conditions de vie de ces résidents face au virus sont incompréhensibles et, pour tout dire, inhumaines. Chacun d’entre eux a été cloîtré dans sa chambre depuis plus de six semaines sans pouvoir en sortir, donc sans contact avec les autres résidents et sans recevoir aucune visite des siens. Les soignants, dont on sait qu’ils ne disposent chaque jour que de très peu de temps pour chacun, sont malheureux de ne pouvoir les accompagner. Lorsque la situation des malades s’aggrave et que, hélas, leur décès est prévisible, leur transfert à l’hôpital n’est pas possible, et aucun membre de la famille n’est autorisé à les entourer dans cette triste période. La douleur des familles soumises à cette absence est immense. »

En Belgique, la situation n’est pas meilleure. Début mai, le rédacteur en chef de la revue Néo Santé témoignait du décès de sa belle-mère dans la solitude, et de son classement en cas covid-19 qu’il estime absolument injustifié.

Plus récemment, toujours dans une tribune du Monde, le docteur Victor Haddad, gériatre et praticien hospitalier, s’indignait, le 19 mai : « Les personnes âgées dépendantes ont été fragilisées par l’interdiction des visites dans leurs établissements, sans pour autant que celle-ci empêche des milliers de morts ». « L’interdiction de visite dans les Ehpad a été une mesure inutile et cruelle ». A été ? Ce confinement est toujours de mise!

Toujours pas de contact physique

Certes le confinement va « s’assouplir ». Mais les contacts physiques et les sorties restent interdits jusqu’à nouvel ordre. Chaque jour aggrave le sentiment de désespoir chez beaucoup de ces personnes vulnérables psychologiquement autant que physiquement. Une autre fille de résident me déclara qu’elle n’ira pas voir sa mère : « Notre communication passe par le toucher, en l’absence, je ne préfère même pas y aller. Cela sera bien trop frustrant pour nous ».

On sait que les anciens ont, plus que les autres (mais comme les enfants), besoin de contacts, de baisers et d’embrassade pour être réconfortés, soutenus. Pour la plupart, c’est l’unique sens de leur vie. Une vidéo témoignant de la détresse de Jeanne, une personne âgée de 96 ans, montre bien la difficulté psychique du confinement.

Le grand public a pu rester connecté et recevoir des emails avec des conseils et vidéos du style « comment méditer chez vous et mieux supporter l’isolement et l’anxiété ? ». Pendant tout ce temps, les aînés sont restés sans animation, sans pédicure, sans coiffeur, sans rendez-vous médicaux de routine. En effet, de nombreux médecins ont annulé pour ces patients les rendez-vous prévus de longue date : ici un dentiste malgré la perte de ses couronnes chez une pensionnaire (ce qui rend difficile les repas), là un cardiologue pour le rendez-vous annuel autour du pace-maker. Pire, si une personne a le malheur d’avoir un rendez-vous médical à l’extérieur, elle se retrouve nouveau ultra-confinée pendant 12 jours dans sa chambre de 15m2 (témoignage reçu ces jours-ci)…

Huis-clos sans garde-fou

Ces mesures sont-elles vraiment légitimes dans la mesure où l’épidémie régresse ? Sa courbe a l’allure d’une épidémie saisonnière habituelle. C’est ce qu’explique l’éminent virologue de Marseille Didier Raoult dans ses récentes vidéos. Tout récemment, on a même vu le présentateur David Pujadas, sur LCI, nous dire que le taux de létalité du Covid était revu à la baisse : de 3,5% à 0,5% ! Ce qui change tout et rend totalement caduque la légitimité même du confinement pour toute la population! Alors que les autres personnes vont progressivement reprendre une vie normale, au nom de quoi ce public reste-t-il exclu de l’espace public libre ?

Une chose est sûre, depuis deux mois maintenant, les maisons de retraite fonctionnent à huis-clos, sans aucun regard extérieur qui puisse évaluer les conditions de traitement des résidents. « Il n’y a pas de communication. On ne sait pas ce qui se passe à l’intérieur ni le nombre de personnel », explique une proche de résident.

Moins important que l’hôpital?

Alors que l’hôpital a été sous le feu des projecteurs et principal souci des décideurs politique, les Ehpad restent sans soutien matériel, sans renfort humain, bien qu’ils payent eux aussi un lourd tribu au coronavirus, d’après les chiffres officiels.

Dans le journal LaLibre.be, une volontaire venue prêter main forte dans une maison de retraite ose témoigner de la gravité de la situation : « Je ne peux pas taire ce que j’ai vu dans ce home. Par manque de temps, les soignants passent uniquement pour la distribution des repas et les soins. Les résidents se retrouvent le reste de la journée face à la solitude, le vide et la mort qui rôde. Les conséquences des politiques de santé sont simples : les personnes âgées en maison de repos meurent seules et les soignants continuent de se battre en accumulant les traumatismes au fur et à mesure des jours qui passent. Laisser des êtres humains mourir avec si peu d’humanité et faire tomber toute une équipe de soignants pour cause de mauvaise gestion du matériel est tout simplement révoltant ».

Ségrégation sanitaire par l’âge?

La peur du virus justifie principalement la ségrégation par l’âge. Ce public s’est d’ailleurs vu retirer le droit d’être pris en charge à l’hôpital, afin de ne pas surcharger les services de réanimation. L’Etat a en effet incité les hôpitaux à « trier » les malades du Covid19 de plus de 75 ans en réanimation. Le coup de gueule du politique français Nicolas Dupont-Aignant a été traité de Fake News, mais ce fait est hautement probable puisqu’il est rapporté par Le Canard Enchaîné, une revue sérieuse. Parallèlement, les personnes âgées dans les Ephad ont pu « bénéficier » du Rivotril, un traitement hors autorisation de mise sur le marché (AMM), destiné à soulager leur agonie. Une pratique que certains ont assimilé à de l’euthanasie, surtout dans le contexte où la chloroquine n’a pas eu cette facilité, malgré les bons résultats mondiaux de ce traitement de médecine de ville.  

Combien de morts dans les maisons de retraite à cause du confinement, plus sévère et insoutenable que partout ailleurs ? Qui sera responsable ? « Veut-on précipiter le décès de nos anciens ? » Certaines familles ont de plus en plus de mal à comprendre la séquestration sanitaire des aînés, même si d’autres jugent la situation tout à fait acceptable… pour le bien de leur proche.

Plus que jamais il est fondamental de garantir le respect de la dignité humaine de ces personnes, aujourd’hui mis au ban de la société. Avons-nous basculé dans la peur du vieux ? « vecteur de maladies », traité comme un pestiféré, est-il devenu le bouc émissaire de notre déni collectif, celui de la mort, de la vieillesse et de notre coupable déshumanisation ?

Lire aussi : https://pryskaducoeurjoly.com/actu/7327/ehpad-bras-de-fer-ars-gouvernement/

A regarder, pour aller plus loin, une vidéo avec 7 scientifiques:
Le déconfinement en question – Plus de tort que de bien?

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