Le 10 décembre 2009, la DGS (Direction générale de la santé) a annoncé que les traitements antiviraux, jusque-là recommandés uniquement dans les formes sévères et chez les personnes à risque, étaient désormais justifiés chez tous les patients ayant une grippe. Les antiviraux, Tamiflu® mais aussi Relenza®, stockés par le gouvernement, seront délivrés gratuitement sur ordonnance dans les pharmacies, au plus tard le 21 décembre, mais cette mesure est loin de faire l’unanimité parmi le monde médical.
Le CNGE, qui représente 1 500 adhérents, médecins généralistes chargés d’enseignement dans les facultés de médecine, a fait savoir qu’il « ne recommande pas l’utilisation systématique de médicaments antiviraux en cas de suspicion de grippe A ». Il demande à la DGS « d’indiquer les arguments scientifiques et les niveaux de preuve sur lesquels s’appuie ce changement soudain de recommandation ». Cette attitude contestatrice est plutôt inhabituelle de la part de cette instance. Pour le Dr Vincent Renard, vice-président du CNGE : « Selon les données dont nous disposons, la balance bénéfice-risque du Tamiflu® est défavorable. Les bénéfices ne sont pas établis, contrairement aux effets secondaires : nausées et vomissements qui sont fréquents chez les adultes, troubles du sommeil chez les enfants. Or, si des millions de patients sont traités, ce sont les généralistes qui auront à gérer les effets indésirables.»
Pour le Pr Bruno Housset, chef du service de pneumologie de l’hôpital intercommunal de Créteil et président de la Fédération française de pneumologie : « L’argumentation n’est pas solide sur le plan scientifique. Je ne comprends pas que la décision ait été prise sans discussion avec les sociétés savantes ». Selon son opinion, la prescription systématique d’antiviraux aurait pu être logique, il y a trois semaines encore, quand la circulation du virus H1N1 était prédominante par rapport aux autres virus respiratoires, mais elle ne l’est plus à ce stade de l’épidémie.
Même écho du Pr Jean-Paul Stahl, chef du service de maladies infectieuses du CHU de Grenoble et président de la société de pathologie infectieuse de langue française : « Mon opinion personnelle est que si le Tamiflu® a une efficacité en termes de santé publique, c’est lorsqu’il y a une circulation virale très importante. Aujourd’hui, ce moment est passé ».
Mais le pire pour le laboratoire est qu’au même moment, le 12 décembre 2009, le British Medical Journal publiait un article qui concluait que cet antiviral réduit d’environ une journée la durée des symptômes cliniques et accusait Roche d’avoir abusé les médecins et les gouvernements sur les bénéfices du Tamiflu®.
Ses auteurs appartiennent à la Collaboration Cochrane, organisation internationale indépendante qui regroupe 15 000 professionnels de santé à travers une centaine de pays, et a pour objectif de passer en revue des études scientifiques afin de mesurer l’efficacité des produits de santé. L’équipe était dirigée par le professeur australien Chris Del Mar et a enquêté sur dix études citées comme références par le laboratoire suisse.
Or, sur ces dix études, menées uniquement par Roche, deux seulement ont été publiées dans des journaux scientifiques et les dossiers de ces deux publications ont « disparu ». En effet, les chercheurs qui étaient supposés avoir accès aux dossiers ont appris de l’auteur de la première publication qu’il avait perdu l’original de son travail en changeant de bureau, et l’autre auteur avoua qu’il n’avait pas participé à l’étude. En vérité, ces auteurs, tous deux employés d’Adis International, une importante compagnie de communication qui travaille pour « Big Pharma », ont admis qu’ils ont écrit en tant que « nègres » certaines études publiées sur le Tamiflu®. L’un deux a avoué au BMJ que c’était le département commercial de Roche qui gérait l’affaire du Tamiflu®. « Dans l’introduction, je devais annoncer que la grippe était un problème très important et je devais arriver à la conclusion que le Tamiflu® en était la réponse ».
Autrement dit, c’est le département commercial de Roche qui gérait la partie scientifique et dictait aux chercheurs la conclusion des essais cliniques. Quels que soient leurs résultats, ils devaient parvenir à la conclusion que le Tamiflu® était la bonne réponse à la grippe.
La seule étude que la Cochrane Collaboration a pu obtenir est une étude non publiée, concernant 1 447 adultes, et qui montre que ce produit n’est pas meilleur qu’un placebo. Pour les chercheurs de Cochrane, l’utilisation du Tamiflu® peut « éventuellement » réduire les symptômes, mais « les données sont insuffisantes pour savoir s’il réduit les risques de complication chez les adultes en bonne santé ».
Pour le laboratoire Roche, fabricant du Tamiflu®, la publication du BMJ, est tronquée car elle ne prend pas en compte toutes les études. « Cette métanalyse n’a porté que sur des sujets sains, qui ne sont pas les groupes qui font le plus de complications ». C’est pourtant pour ces derniers groupes que le Tamiflu® est aujourd’hui recommandé par l’Organisation mondiale de la santé. Par ailleurs, Roche a affirmé qu’il « confirmait la solidité et l’intégrité des données prouvant l’efficacité et la sécurité du Tamiflu® et la conduite des essais cliniques » et que « des études incluses dans les dossiers d’autorisation de mise sur le marché attestent d’une diminution statistique des complications respiratoires sous Tamiflu®. »
L’association NaturalNews ne partage pas cette opinion : « Lorsqu’on en vient à la vente de produits chimiques pour traiter le virus porcin H1N1, l’industrie n’a que deux solutions : les vaccins et les antiviraux. Le Tamiflu® est en effet dérivé d’une plante qui fait partie de la Médecine traditionnelle chinoise, l’anis étoilé. Mais le Tamiflu® n’est pas une plante. C’est une concentration potentiellement dangereuse de composants chimiques isolés qui ont été piratés, et lorsque vous isolez ces composants spécifiques, vous perdez la valeur et l’innocuité de la plante dans sa totalité. »
Toutefois, dans sa recherche d’un marché prometteur, le laboratoire Roche ne s’est pas arrêté à ce détail et se réclame de dix études qui auraient démontré l’efficacité et l’innocuité du Tamiflu®, dont 61 % de réduction d’admissions hospitalières chez ceux qui avaient attrapé la grippe et étaient soignés par leur produit.
Or, ces études ont toutes été menées par le laboratoire suisse, et c’est sur ces déclarations, qui seraient toutes aussi fausses et inventées par Roche, que de nombreux gouvernements ont décidé d’acheter en masse des comprimés de Tamiflu®. Ainsi, la France s’est procuré un stock de 4 millions de doses, et la pharmacie des armées en a produit 3,3 millions, à partir du principe actif fourni par le laboratoire Roche.
Le Dr Fiona Goodlee, rédactrice en chef du British Medical Journal, est scandalisée : « Les gouvernements mondiaux ont dépensé des milliards pour un médicament que la communauté scientifique est aujourd’hui incapable d’évaluer ». Elle a fait remarquer que le laboratoire Roche n’a pas facilité l’enquête et n’a pas fourni tous les comptes-rendus des précédentes évaluations scientifiques.
Alors que le produit fut loin d’être acclamé lorsque la FDA l’a approuvé en 1999, son succès a débuté en 2003, après l’alerte du SARS (Severe Acquired Respiratory Syndrome) et la menace de la pandémie aviaire.
Le Tamiflu® a rapporté une fortune à Roche, qui en a vendu pour 1,8 milliard d’euros cette année. La question qui reste posée est : pourquoi, si l’on en croit la banque J.P. Morgan, les gouvernements de la planète ont-ils investi environ 3 milliards de dollars dans un médicament si peu utile ? D’autant que s’il est peu utile, il reste dangereux. Ainsi, d’après la FDA, ses effets secondaires peuvent inclure des problèmes cardiaques mortels. Il est donc indispensable d’être certain que si ce médicament doit éviter des décès par la grippe, comme Roche le prétend, il faut savoir quel est le rapport bénéfice/risque en sa faveur.
Shannon Brownlee, de la New America Foundation, et Jeanne Lenzer, journaliste d’investigation ont demandé à la FDA si elle a bien réclamé une nouvelle étude à Roche pour prouver si oui ou non ce médicament diminuait le nombre de complications plus qu’il n’en causait. Le porte-parole du laboratoire a répondu que cette demande n’avait pas été faite. Ainsi, ni le CDC ni la FDA n’ont demandé une enquête vraiment scientifique pour déterminer la vérité sur ce sujet, mais Nancy Cox, qui dirige la question de la grippe au CDC, a répondu il y a déjà quelque temps qu’elle était opposée à une étude contrôlée avec placebo car les bénéfices étaient suffisamment prouvés.
Mais l’affaire est à présent si mal engagée que personne ne semble assez intéressé pour mener une nouvelle étude afin de savoir si ce produit peut ou non sauver des vies sans en détruire. C’est à nos institutions de savoir enfin faire le tri entre la véritable science et une avidité éhontée de bénéfices financiers. L’OMS, le CDC et la FDA, auxquels se sont fiées les Agences européennes, se sont bien gardés de vérifier des études uniquement menées par le laboratoire fabricant et ses salariés. Mais, de toute manière, quoiqu’il advienne, personne ne sera jamais responsable ni « condamnable ».
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