Cet article est paru dans le réseau Pure Santé, du groupe Santé Nature Innovation.
VOIR AUSSI La liberté d’expression et censure sur internet : ce que les citoyens ne savent pas (vidéo pour le magazine Nexus) :
La chasse aux fake news devient politique
Sur le site du gouvernement, une plateforme appelée Désinfox qui recensait jusqu’au 5 mai 2020 des articles de journaux jugés « sûrs et vérifiés » vient d’être retirée en toute hâte ! Que proposait-elle ? « Plus que jamais, se fier ou partager des informations non vérifiées peut induire des erreurs et engendrer des comportements à risque. Pour se protéger et protéger les autres, il est nécessaire de se référer à des sources d’informations sûres et vérifiées. »
Cette plateforme s’inscrit dans la guerre de l’information de plus en plus ouverte entre les médias « officiels » (détenteur de la carte de presse) et les médias alternatifs ou citoyens qui ont émergé depuis l’ère numérique.
Un ministère de la vérité?
Ainsi, Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire, auteur de Le coup de com’ permanent (Cerf, 2018) déclarait au FigaroVox [1]:
« Cette initiative gouvernementale traduit la grande fébrilité d’un pouvoir exécutif qui, faute de pouvoir censurer, se transforme en certificateur de l’information. Il va de soi que ce n’est pas à l’État de procéder à ce travail. Les plus grands mensonges de l’histoire ont souvent été, au demeurant, propagés par des États. Depuis le début du mandat, Emmanuel Macron se veut l’archange de la lutte contre les fake-news. Il a fait légiférer de manière aléatoire et discutable à ce sujet. (…) Lorsque l’État prétend nous dire la vérité, il ne dit que « sa » vérité… ou ses mensonges. En d’autres termes, ce dispositif n’est rien d’autre qu’une tentative maladroite d’en revenir à une forme de ministère de l’information, voire d’un « bureau de l’esprit public » tel que les révolutionnaires le créèrent en 1792… »
Veut-on nous vacciner contre… l’esprit critique ?
Ces médias « mainstream » (radio, papier, télé) peuvent depuis 1 an s’appuyer sur la nouvelle loi contre la manipulation de l’information, couramment appelée « loi fake news » ou « loi infox », adoptée par le Parlement le 20 novembre et promulguée le 22 décembre 2018 [2].
Cette loi, très critiquée par de nombreux défenseurs de la liberté d’expression, complète un arsenal législatif qui existait déjà mais elle s’attaque plus particulièrement à la diffusion extrêmement rapide des fausses nouvelles sur Internet. Elle crée un devoir de coopération des plateformes qui doivent mettre en œuvre des mesures pour lutter contre la diffusion de fausses informations « susceptibles de troubler l’ordre public ».
De plus en plus de médias traditionnels ont désormais un service de décodeur ou facts checkers. Ce sont eux qui communiquent à Facebook ou autres plates-formes le fruit de leur réflexion qui sert ensuite à « censurer », plus ou moins ouvertement, certaines informations. C’est pourquoi les internautes voient aujourd’hui certaines de leurs publications masquées par le placard « fausse information », sans pouvoir contester.
Le tour de vis sur la liberté d’expression est en réalité international. De nombreux blogueurs sur YouTube ont ainsi témoigné du fait que leurs vidéos avaient été supprimées sans recours réel possible. La direction de You Tube vient de faire savoir que toute contribution en dehors des clous de l’OMS serait considérée comme video non grata. Désormais le seul échappatoire pour la liberté d’expression citoyenne ne peut venir que de l’émergence d’autres plateformes d’hébergement libres…
Des médias juge et partie
De toute évidence, les service de décodage des médias officiels sont à la fois juge et partie. Les informations qu’ils qualifient de « fake » contredisent bien souvent « leur » version (et celle des autres médias mainstream). Peut-on vraiment leur faire confiance pour décrypter objectivement les informations alternatives en provenance du terrain ? Ces médias sont dans une démarche d’auto-justification face aux sources citoyennes et semblent bien peu enclin à l’auto-critique.
Je vous rappelle que le traitement à l’hydroxychloroquine du Pr Raoult avait été classé comme une « fake news » par les Décodeurs du Monde… Cet article de décodage avait été publié sur la plateforme Désinfox du ministère, avant d’être retiré face à l’agitation sur les médias sociaux. Le fait est que les internautes relayent de manière virale les vidéos de la chaîne Youtube de l’IHU Méditerranée Infections, dirigé par le Pr Raoult, qui n’a plus besoin des médias traditionnels pour exploser l’audimat !
La grippe H1N1 : début du contrôle de l’information
Cette évolution vers une information plus « contrôlée » date de l’affaire H1N1, une grippe décrétée comme pandémie par l’OMS en 2009. Cette crise sanitaire, qui n’en était pas une, avait abouti au fiasco de l’achat de vaccins inutiles et potentiellement dangereux. Pour mémoire, le coût de la gestion de cette épidémie avait coûté quelque 2 milliards d’euros à la France…
Le discours gouvernemental et celui des médias « officiels » avaient généré bien des peurs et des angoisses chez les citoyens, comme c’est le cas aujourd’hui. Or en 2010, une commission d’enquête parlementaire dont on n’a pas vraiment entendu parler, avait été chargée d’étudier la gestion et la surévaluation de cet épisode grippal. Dans ses conclusions, la commission avait finalement dédouané la ministre Roselyne Bachelot et les pouvoirs publics « qui ont fait de leur mieux en fonction des connaissances dont ils disposaient ». Mais…
Elle s’inquiétait aussi du phénomène émergeant de la contestation sur les réseaux sociaux : « Les autorités sanitaires, avec un message brouillé par des interventions multiples sur l’opportunité de la campagne de vaccination, débordées par un débat concurrent sur internet où elles n’ont pas su présenter leurs contre-arguments, ont-elles alors perdu la « bataille de la communication » » ? » Dur aveu.
Face aux « folles rumeurs sur Internet, écrit le rapporteur dans ses conclusions, les attaques violentes du lobby anti-vaccin ou encore les annonces spectaculaires de pseudo-experts en quête de gloire médiatique », ce rapport préconisait de « renforcer le pôle de veille multimédia au sein du service d’information du Gouvernement et prévoir une réponse adaptée sur internet et sur tous les réseaux sociaux ».
Les médias font le job
Dans les conclusions de la commission, il y avait bien sûr de nombreuses recommandations pour mieux gérer une pandémie : « Après cet événement qui n’a pas causé de dommages d’une ampleur aussi grande que celle qu’on avait un temps prévue, nous avons aujourd’hui l’opportunité de réfléchir aux améliorations à apporter pour restaurer la confiance dans les politiques de santé publique et gérer au mieux les futures « crises ».
Nous n’avons apparemment pas progressé dans la manière de déterminer et gérer correctement des épidémies ou des pandémies. Nous peinons également à utiliser des médicaments qui existent déjà sur le marché, qui sont efficaces et peu coûteux… Enfin, nous avons échoué dans le financement et la gestion de l’hôpital public pour améliorer la prise en charge.
Côté fake news, en revanche, tout le monde perçoit bien à quel point cette préconisation d’un meilleur contrôle de l’information a retenu l’attention des pouvoirs publics ! De toute évidence, la plateforme Désinfox du ministère visait surtout à contrôler l’information sur des sujets sensibles, à commencer par les politiques sanitaires et notamment la vaccination.
Qu’elle soit supprimée ou pas, finalement peu importe, car toute information plus ou moins alarmiste sur les dangers de la vaccination est systématiquement qualifiée de « fake news » par les médias «partenaires». Le paysage mainstream fait le job de la communication institutionnelle et des experts sanitaires qui souhaite un confinement « ad vitam vaccinam ».
Mais le gouvernement peut-il compter sur le vernis informationnel pour pallier ses carences opérationnelles dans la gestion de cette crise ? L’avenir nous dira bientôt s’il a remporté ou perdu cette nouvelle bataille de la communication, dix ans après l’affaire H1N1.
A vos souris, citoyens !
Pryska Ducoeurjoly
[1] « En triant les articles de presse, le gouvernement tente de recréer un ministère de l’information », le 1er mai 2020.
[2] Plus d’information sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_contre_la_manipulation_de_l%27information
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